Il reste aux neurosciences un long chemin à parcourir pour découvrir et comprendre tous les mécanismes qui concourent à l'apprentissage chez les enfants, comme chez les adultes.
Mais grâce à elles, nous savons aujourd’hui qu’il existe des éléments qui facilitent l’apprentissage et qui viennent corroborer les observations de nombreux pédagogues - et montrer certaines limites de l’éducation traditionnelle.
I. Ce que nous apprennent les neurosciences
Commençons d’abord par faire un tour rapide de ce que nous savons aujourd’hui des mécanismes à l'œuvre dans le développement du cerveau et dans l’apprentissage de nos enfants.
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Les spécificités du cerveau de l’enfant
Un cerveau déjà connecté
Les différentes zones et structures du cerveau humain sont constituées de neurones. Ces neurones sont reliés entre eux par des connexions neuronales (ou connexions synaptiques). C’est à travers ce vaste réseau que se construisent les circuits qui contribuent à nous représenter le monde qui nous entoure, et qui se renforcent grâce aux expériences que nous vivons.
Dès la naissance, le cerveau possède déjà de très nombreuses connexions et va en créer de nouvelles durant les premières années de la vie, à tel point qu’un enfant de 2 ans peut avoir jusqu’à 2 fois plus de connexions synaptiques qu’un adulte.
Une maturation longue
Le processus qui permet de créer de nouvelles connexions comme de renforcer celles qui participent aux circuits neuronaux, ou d’éliminer celles qui sont inutiles, s’appelle la plasticité cérébrale. Elle est à l'œuvre tout au long de la vie mais est très forte pendant les 25 premières années, y compris avant la naissance. Dans un cerveau mature, la plasticité cérébrale s’opère mais dans des proportions bien moindres et pour des fonctions spécifiques.
Quel que soit l’âge, elle est déclenchée principalement grâce à 3 neurotransmetteurs :
- La dopamine : qui signale des expériences plus positives qu’anticipé,
- L’acétylcholine : qui marque des événements d'intérêt et intensifie la plasticité synaptique,
- La sérotonine : qui intervient dans la mémoire et la réorganisation des circuits corticaux.
Et des périodes sensibles
Les différentes fonctions du cerveau reposant les unes sur les autres, la plasticité n’est pas aussi forte partout au même moment dans le cerveau. Ces périodes de forte plasticité, les périodes sensibles et les périodes critiques, s’ouvrent et se referment donc plus ou moins tôt selon les zones du cerveau.
Les fonctions sensorielles, sur lesquelles toutes les autres fonctions reposent, ont ainsi une plasticité forte très tôt et qui se referme très vite (dans les premières années), alors que les fonctions cognitives avancées commencent à devenir matures plus tard et sont les dernières à voir leur plasticité se refermer vers 25 ans.
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Les clés de l’apprentissage
Les travaux en neurosciences ont permis de mettre à jour que les éléments essentiels qui contribuent à la plasticité synaptique, et donc à l’apprentissage, sont : l’attention, l’engagement, les erreurs, la répétition, le sommeil et la bienveillance.
1. L'attention
L’attention, notre capacité à identifier et traiter des informations d’intérêt, est absolument nécessaire à l’apprentissage.
Dans notre cerveau, il existe au moins 3 systèmes d’attention :
- L’état d’alerte, qui nous indique quand être attentif. Il libère dopamine, sérotonine et acétylcholine à travers l’ensemble du cortex et déclenche la réorganisation des circuits corticaux. Dans le cadre de l’apprentissage, ce système est actif lorsque quelque chose présente un intérêt pour nous, qui nous motive assez pour y accorder de l’attention.
- Le système d’orientation, qui nous permet de focaliser notre attention sur un élément particulier de notre environnement, ou sur une pensée, tout en faisant abstraction de tout le reste. Les signaux des connexions neuronales impliquées dans cette expérience sont amplifiés, tandis que les signaux des connexions actives au même moment hors de ces circuits dans le cerveau vont être affaiblis.
- Le contrôle exécutif, qui se situe dans le lobe frontal et orchestre les processus mentaux pour les tâches dont l’accomplissement nécessite plusieurs étapes. Il couvre notre capacité à définir un plan d’action, orienter notre attention sur chaque étape de façon ordonnée sans perdre de vue notre but, à tirer profit de notre mémoire de travail, etc.
Certains facteurs et outils favorisent la concentration et accélèrent l’apprentissage :
- Le jeu. L’attention, et le contrôle exécutif en particulier, sont exacerbés par les activités ludiques. La capacité de concentration des enfants peut ainsi être bonifiée en encourageant le jeu.
- L’entraînement de la mémoire de travail. Exercer la mémoire de travail, la mémoire de court terme, tôt dans la vie de l’enfant, avant l’entrée en primaire, a un impact positif sur sa concentration, et sur son apprentissage de la lecture et des mathématiques par la suite.
- La relation pédagogique. L’attention conjointe de l’adulte et de l’enfant lors de la transmission du savoir par l’adulte, qui guide l’enfant, accélère son apprentissage. Pour être efficace, cette relation requiert :
- Que l’adulte adapte son enseignement à l’enfant, à ses connaissances, ses compétences et ses erreurs,
- Attention, écoute, respect et confiance de la part de l’adulte vis-à-vis de l’enfant, et réciproquement,
- Que l’enfant ait confiance dans le savoir de l’adulte mais soit aussi conscient du fait qu’il ne sait pas tout, afin de développer son esprit critique et sa faculté à penser de façon autonome.
2. L’engagement actif
Lorsqu’il apprend, le cerveau émet des hypothèses, des constructions mentales, des modèles du monde qui l’entoure, grâce aux fonctions supérieures. Puis il teste ces hypothèses dans son environnement qu’il valide ou invalide grâce aux signaux sensoriels qu’il reçoit en retour.
Pour que cette condition de l’apprentissage se produise, l’enfant doit être activement engagé dans ses expériences, ce qui nécessite :
- La curiosité, qui est source de motivation. Son intensité est liée à la probabilité de mémoriser ce qu’on apprend et est corrélée à une activité plus ou moins forte dans les circuits de la dopamine, plus spécifiquement dans le noyau accumbens et l’aire tegmentale ventrale. Pour la susciter, il faut réussir à surprendre suffisamment l’enfant pour lui donner envie de comprendre. Mais pas trop, pour éviter qu’il se détourne d’un apprentissage qui semble trop difficile, ni pas assez, afin d’éviter qu’il s’ennuie.
- La profondeur de traitement, c’est-à-dire que les conditions d’apprentissage demandent un effort cognitif important, de sorte que le cortex préfrontal, l’hippocampe et les zones adjacentes à l’hippocampe s’activent, permettant une meilleure mémorisation.
- Qu’il soit guidé, accompagné dans sa découverte, afin qu’il puisse appréhender de nouveaux concepts, acquérir des connaissances dans un nouveau domaine, dont les règles abstraites doivent lui être expliquées - comme le sens des symboles mathématiques ou le son des lettres et de leurs combinaisons.
- Qu’il fasse et pense par lui-même, à travers des activités pratiques, des discussions auxquelles tout le monde participe, des travaux en petit groupe, en alternant explications et expérimentations et en lui posant des questions difficiles, qui nécessitent une réflexion en profondeur.
- D’éviter les distractions et l’enseignement passif, qui sont nuisibles à l’apprentissage. Les distractions dévient l’attention de l’enfant, qui se focalise sur autre chose et voit les signaux liés au sujet de son enseignement affaiblis. La passivité, elle, implique que l’enfant “subit” l’enseignement, que son expérience repose principalement sur ses sens, et qu’il ne met pas à l’épreuve ses hypothèses, si toutefois il en émet, ce qui réduit de fait sa capacité à mémoriser.
3. Les erreurs - et les retours sur erreur
L’erreur est indispensable à la plasticité
La plasticité cérébrale ne peut se produire qu’à la condition que le cerveau comprenne qu’un ajustement est nécessaire, ce qui se produit lorsqu’il est surpris.
Cette surprise correspond à une erreur de prédiction : pour chaque expérience que nous vivons, notre cerveau génère des hypothèses, des prédictions sur ce qui est possible, probable, dans les circonstances données, en se basant sur ses connaissances existantes.
Si lors d’une expérience, le résultat ne correspond pas à la prédiction, la zone du cerveau qui ne peut pas expliquer une information signale une erreur aux fonctions supérieures.
Ce processus se produit aussi lorsque le résultat correspond à la prédiction, mais que la prédiction était incertaine.
Les signaux d’erreurs sont présents et se répandent dans toutes les zones du cerveau, et se produisent constamment chez l’enfant.
Il y a 2 éléments déterminants dans l’identification de l’erreur et dans l’ajustement des circuits :
Pour que les signaux d’erreurs se produisent, un retour d’information est nécessaire. Ce retour doit être à la fois précis, pour comprendre d’où provient le décalage entre prédiction et résultat, et rapide, pour que l’on se souvienne toujours des critères de notre prédiction au moment où nous recevons le retour sur notre erreur, et que nous sachions quoi ajuster.
Dans le cadre de l’apprentissage des enfants, et en particulier dans les apprentissages théoriques, abstraits, l’erreur doit faire partie intégrante du processus et le retour doit être donné de façon aussi neutre que possible pour qu’il n’y ait pas de confusion entre faire des erreurs et ne pas être capable.
Il faut donner aux enfants un objectif clairement défini, et s’en approcher graduellement en leur permettant de corriger leurs erreurs à mesure qu’ils avancent grâce à un retour d’information complet et rapide.
L’erreur identifiée et comprise ne suffit pas pour garantir que la connaissance est acquise. Ce n’est qu’en renouvelant l’expérience, que l’enfant aura l’occasion de tester ses connaissances et de s’ajuster pour les maîtriser.
En effet, l’information que l’on reçoit lors d’un retour sur erreur se situe dans la mémoire de travail, qui donne l’illusion que l’on sait. Mais la mémoire de travail est de court terme et n’intervient pas dans la mémorisation à long terme.
En se testant, et en laissant un temps court entre le test et la réception du retour d’information par le cerveau, il va pouvoir identifier ce qui a été effectivement acquis, et ce qui ne l’a pas été.
4. La répétition
La répétition est primordiale pour la mémorisation. Répéter donne l’opportunité de faire de nouvelles erreurs et d’invalider nos prédictions ou de réussir et de les valider, et d’ajuster nos circuits neuronaux en conséquence.
La répétition va permettre d’ancrer les apprentissages en renouvelant les expériences, la pratique, les tests, ainsi que les retours d’information et la correction des erreurs correspondants, jusqu’à avoir la certitude d’avoir acquis les connaissances.
Elle présente également l’avantage d’automatiser les opérations mentales qui nécessitent un effort cognitif durant l’apprentissage.
2 pratiques permettent d’optimiser l’impact des répétitions :
- Alterner étude et tests
En mettant en place des sessions d’étude théorique courtes suivies de brefs tests avec un retour sur information rapide, permettent d’apprendre plus rapidement.
Répéter ce format à intervalles réguliers sur une période donnée multiplie la capacité de mémorisation, qui sera jusqu’à 3 fois meilleure que si ces sessions courtes étaient concentrées en une seule fois.
- Apprendre à intervalles espacés
Répéter à intervalles de plus en plus espacés ces sessions - jours, semaines, mois, années - permet d’identifier les connaissances spécifiques qu’on a oubliées et de se les remémorer, ce qui permet d’ancrer la rétention d’informations sur le plus long terme et d’optimiser la mémorisation à chacun de ces intervalles.
5. Le sommeil
Le sommeil est le moment où advient l’ajustement des circuits neuronaux à proprement parler, c’est là que se consolident les apprentissages.
Pendant le sommeil, les circuits neuronaux qui ont été activés pendant les expériences de la journée sont réactivés chronologiquement, en accéléré, comme “revécus” en boucle par le cerveau.
Ces événements vont alors être transférés de l’hippocampe vers un compartiment plus efficient du cerveau, et les connexions neuronales des circuits activés pendant l’apprentissage vont se renforcer à travers la myélinisation - processus par lequel une membrane, la myéline, s’enroule autour des axones pour les isoler et accélérer la vitesse à laquelle l’information est transmise entre neurones.
La qualité du sommeil est primordiale pour assurer la consolidation :
- Sans sommeil, le cerveau ne mémorise pas les apprentissages de la journée,
- Avec un sommeil long et profond, les apprentissages s’ancrent mieux,
- Les différentes phases du sommeil jouent toutes un rôle : durant le sommeil paradoxal, les apprentissages liés aux fonctions sensorielles et motrices se renforcent, tandis que le sommeil profond permet la consolidation et la généralisation des connaissances.
Le sommeil des enfants est deux à trois fois plus efficace que celui des adultes, ils atteignent plus rapidement un sommeil profond après un apprentissage intense, et leur sommeil pendant la sieste la journée joue un rôle important dans leur apprentissage, au même titre que la nuit.
Au-delà du fait de garder en mémoire, de renforcer les connaissances, le sommeil contribue à plusieurs phénomènes :
- Il permet de faire des découvertes : lorsque le cerveau répète les événements de la journée en accéléré, il compresse les séquences et crée ainsi des raccourcis qui vont optimiser nos apprentissages et nous amener à atteindre des conclusions que les événements de la journée n’avaient pas clairement formulé,
- Il multiplie le potentiel d’apprentissage : quand nous dormons, nous créons des simulations à partir de nos modèles internes du monde, des événements fictifs, qui se traduisent par des rêves et nous permettent de mieux intégrer nos apprentissages. De plus, ces simulations vont contribuer à nos découvertes.
6. La bienveillance
La bienveillance de l’adulte se traduit par 3 éléments fondamentaux pour le bien-être de l’enfant et pour son apprentissage.
Le bien-être de l’enfant qui évolue dans un environnement bienveillant aura non seulement des effets positifs sur son apprentissage mais aussi sur ses relations aux autres.
C’est particulièrement le cas lors d’interactions agréables et empathiques, à travers la sécrétion d’ocytocine, molécule anxiolytique qui va entraîner à son tour la libération d’autres molécules, dont des endorphines, qui procurent une sensation de bien-être.
L’ocytocine intervient dans le développement de compétences sociales, comme la capacité à reconnaître des visages ou celle de déchiffrer des intentions et des émotions, à faire preuve d’empathie.
La faculté de comprendre les intentions d’autrui permet de tirer des informations abstraites de ce qui est communiqué, ce qui a un effet positif sur l’apprentissage en favorisant l’attention et en augmentant les chances de retenir l’information transmise.
De surcroît, l’ocytocine a aussi pour effet de renforcer l’attachement et la relation parent-enfant.
Pour favoriser son apprentissage, il faut minimiser le stress vécu par l’enfant. Le stress que l’on ressent se traduit par la libération de cortisol dans l’organisme.
Pendant la petite enfance, mais aussi pendant la grossesse, le cortisol peut, dans un contexte où le niveau de stress est prolongé ou très élevé :
- bloquer la sécrétion de dopamine, de sérotonine, d’ocytocine et d’endorphines,
- altérer la myéline, et ainsi le renforcement des circuits neuronaux et la plasticité cérébrale,
- aller jusqu’à altérer la création de nouveaux neurones, voire même détruire des neurones, y compris dans le cortex préfrontal et l’hippocampe, qui jouent un rôle clé dans l’apprentissage.
Il est important d’encourager l’enfant, pour nourrir sa confiance en lui de sorte :
- qu’il ne se persuade pas que l’effort que requiert son apprentissage est dû à ses capacités intellectuelles, dont il pourrait être inconsciemment amené à penser qu’elles sont limitées,
- de développer sa capacité à se faire confiance, tant pour développer son esprit critique que sa métacognition, pour identifier ce qu’il sait et ne sait pas, et ainsi favoriser sa progression de façon autonome.
II. Les limites de l’école traditionnelle
En tenant compte de ces principes fondamentaux et en observant l’approche de l’école traditionnelle, on constate que la rigidité du programme, ainsi que le manque de temps, de liberté, mais aussi parfois de formation des enseignants produisent certaines limites à l’apprentissage de l’enfant.
Les notes, qui présentent 2 défauts majeurs :
- Une note ne donne pas d’information à l’enfant, elle ne précise pas la cause des erreurs commises ou comment les corriger, seul un retour d’information sera utile pour l'apprentissage,
- Le temps qui sépare la note du moment de l’évaluation est trop long, l’enfant ayant la plupart du temps oublié le raisonnement qui a conduit à sa réponse,
Le programme standardisé, la progression rigide, ne permettent pas de garantir l’engagement de l’enfant, en particulier dans deux cas :
- L’enfant qui acquiert rapidement des connaissances dans un domaine et à qui on ne propose pas une progression adaptée à son niveau, une stimulation cognitive suffisante, va s’ennuyer et se désengager de son apprentissage parce que sa métacognition va suggérer à terme qu’il n’apprend que marginalement plus que ce qu’il sait déjà,
- L’enfant qui ne maîtrise pas certaines connaissances, et à qui on ne donne pas le temps de les acquérir tout en lui demandant d’en acquérir de nouvelles, plus avancées, va finir par se sentir incapable dans ce domaine-là et se décourager.
L’organisation des tests dans le temps. Le programme par chapitre et son impact sur l’organisation des tests pose deux limites à l’apprentissage :
- La possibilité de se tester à nouveau - Une fois le retour noté donné à l’enfant, on ne lui donne pas la possibilité d’agir sur son erreur en se testant à nouveau, il ne peut pas améliorer cette note. Il passe à un nouveau chapitre, et de ce fait, on limite ses chances de progresser et de prendre confiance en lui.
- L’absence de répétition - En ne testant pas à nouveau les connaissances acquises lors des précédents chapitres du programme, on ne favorise pas la mémorisation des apprentissages à long terme.
Le cours magistral crée une configuration qui présente un risque double :
- Celui de la passivité : pendant les explications du professeur, l’enfant a plus de chances de voir son attention détournée, de s’ennuyer, parce qu’il est inactif, parce que le niveau de l’enseignement présenté est trop avancé pour lui, ou pas assez, ou encore parce qu’il est présenté de façon trop abstraite ou trop théorique.
- Celui de biaiser la perception de l’enseignant par l’enfant, de le positionner comme un érudit qui sait tout et qui présente systématiquement à l’enfant tout ce qu’il y a à savoir dans un domaine donné. L’enfant n’a alors pas de raison de chercher plus loin ou de remettre en question la parole de l’enseignant, d’être curieux et de poser des questions.
III. Ce que proposent les pédagogies actives
Toutes ces pédagogies ont découvert par l’observation certaines des clés de l’apprentissage, ont pris en compte les limites de ce que proposait l’éducation traditionnelle, et elles se distinguent par quelques grands principes communs : l’apprentissage suit le rythme de l’enfant, il se fait de façon ludique, autonome, en coopération, et l’art et l’artisanat y occupent une place de premier plan.
Même si chaque pédagogie l’approche à sa façon, chacun de ces principes présente des caractéristiques favorisant l’apprentissage.
Suivre le rythme de l’enfant implique que l’enseignement est guidé par ses intérêts pour maximiser son implication dans son apprentissage.
- La pédagogie Reggio propose le programme émergent, un mélange entre programme et stratégie pédagogique se basant sur les centres d’intérêts et le niveau de connaissances de tous les enfants de la classe pour déterminer l’approche à mettre en place.
- Chez Montessori, l’observation de l’enfant est centrale, on lui présente des activités dont la difficulté relative est systématiquement prise en compte, au cas par cas. Ainsi, si une activité est trop avancée pour lui, on lui présente une alternative, de sorte qu’il ne s’éparpille pas et qu’il avance selon ses capacités actuelles.
- Pour Freinet, l’éducation doit tenir compte des capacités, du rythme et des centres d’intérêt de chaque enfant individuellement.
Suivre le rythme de l’enfant contribue à favoriser son attention, son engagement, mais aussi sa métacognition, et donne une flexibilité qui lui permet de répéter autant de fois que nécessaire et de tirer profit de ses périodes sensibles, dont Maria Montessori avait déduit l’existence chez l’humain en observant les enfants.
Dans ces pédagogies, l’enfant fait lui-même, mais le rôle de l’enseignant, et la relation entre l’enseignant et l’enfant qui en découle, contribue de différentes façons à son apprentissage autonome.
- Dans la méthode Montessori, on guide l’enfant tout en lui laissant l’opportunité de mener ses apprentissages par lui-même. L’enseignant présente à l’enfant les activités qu’il applique de façon autonome, répète quand il le souhaite et autant de fois qu’il en ressent l’envie.
- Chez Mason, avant 6 ans, on laisse beaucoup l’enfant explorer l’extérieur librement, mais son autonomie est encadrée par l’adulte, ses périodes d’étude sont courtes (pas plus de 15 minutes à la fois) et guidées par l’adulte, et la discipline et la routine sont des piliers de la pédagogie Mason.
- Les enseignants des écoles Reggio sont à tour de rôle guide, ressource et co-apprenant. Ils aident l’enfant à trouver les réponses à ses questions, ils savent mais ne savent pas tout, eux aussi ont des choses à apprendre et eux aussi doivent chercher les réponses.
L’autonomie donne l’opportunité aux enfants de commettre des erreurs, de répéter, elle favorise leur engagement et leur attention, et contribue à développer leur confiance en eux et leur esprit critique.
Les activités ludiques, choisies par l’enfant, prennent diverses formes selon les pédagogies, qu’elles s’accompagnent de matériel ou simplement d’une méthodologie.
- Decroly a développé le concept du jeu éducatif, qui est au cœur de sa pédagogie, créant des quantités de jeux qui à la fois ont un attrait ludique et présentent un intérêt pédagogique. Il considérait que le jeu menait naturellement à l’activité sérieuse, au travail.
- Célestin Freinet considérait que l’apprentissage est un travail, par lequel les enfants s’intègrent au monde des adultes, qu’il doit être motivé, et donc être un choix de la part de l’enfant, et qu’en ce sens, il ne doit pas être opposé au jeu.
- Charlotte Mason suggérait de présenter certains apprentissages comme des jeux, qu’il s’agisse de calculer des distances ou d’apprendre à lire en déchiffrant les mots à partir de leurs sons, et d’augmenter la difficulté quand on sent que l’enfant commence à s’ennuyer.
Lorsque l’activité ludique est adaptée aux capacités de l’enfant et qu’elle requiert un effort de sa part, elle est un facteur d’engagement actif, elle l’aide à développer son contrôle exécutif, sa concentration, et contribue à son apprentissage en faisant des erreurs et de la répétition des parties intégrantes de l'exercice.
Chaque pédagogie donne à sa manière une place importante à la participation des enfants, que la finalité soit de renforcer leur confiance en eux, leurs compétences sociales, ou d’éduquer les futurs citoyens de nos démocraties.
- La méthode de Roger Cousinet était basée sur le travail en groupe des enfants. L’enseignant se met au niveau des élèves pour guider leur apprentissage, corriger leurs erreurs, les observer, et favoriser leur autonomie, de la constitution de leurs groupes à la réalisation de leurs travaux en commun.
- Un des piliers de la pédagogie Reggio, les projets, implique une participation active de tous les enfants. Du début à la fin, ils prennent collégialement toutes les décisions, conduisent les recherches ensemble, accompagnés par les éducateurs, qui eux aussi participent selon les besoins du groupe d’enfants.
- Chez Freinet, les enfants mènent des recherches à plusieurs, débattent, exposent leur travaux personnels aux autres enfants pour les perfectionner, et les échanges sont facilités par la possibilité de circuler librement dans la classe.
La coopération, à travers les interactions, donne aux enfants une voix, leur permet de prendre confiance en eux, d’être activement engagés, de faire des erreurs, et fait appel à leur concentration.
L’art et l’artisanat sont considérés comme de véritables piliers dans l’apprentissage de l’enfant, de sa découverte de lui-même et du monde qui l’entoure.
- Chez Steiner, l’enfant s’adonne à des activités artistiques et artisanales de façon routinière. Il peint, chante, et il apprend très tôt à confectionner de vraies choses par lui-même en faisant de la poterie, du tricot, du pain, etc. Certaines activités ont un jour qui leur est spécifiquement dédié chaque semaine.
- Dans la pédagogie Reggio, ces différentes activités sont appelées les 100 langages. Un nombre symbolique pour représenter leur multitude. L'enfant est invité à s'exprimer par le biais de ces nombreuses disciplines artistiques et artisanales, mais elles sont aussi l’occasion pour la communauté hors de l’établissement scolaire de partager des passions et des compétences avec l’enfant.
- Pour Roger Cousinet les activités de création constituent, avec les activités de connaissance, le socle du programme d’étude. Elles sont l’occasion pour l’enfant de faire seul, totalement librement, et d’échanger avec l’enseignant sur son œuvre, son intention initiale, et de recevoir des encouragements.
L’art et l’artisanat sont à la fois des facilitateurs de l’attention, de l’engagement, des erreurs et de la répétition, mais ils jouent aussi un rôle important pour le développement de leurs fonctions exécutives et leur confiance en eux.
Tous ces exemples ne sont pas exhaustifs, mais démontrent une variété de façons d’approcher l’apprentissage d’une autre manière. Et même si leurs approches respectives ne présentent pas les limites de l’éducation traditionnelle et permettent de favoriser l’apprentissage, cela ne veut pas dire pour autant que l’une ou l’autre d’entre elles soit une solution universelle à la question cruciale qu’est l’éducation des enfants.
IV. Ce qu’on peut faire en tant que parents
Nous avons devant nous une infinité d’options pour mettre en œuvre tout ou partie de ces enseignements, mais nous pouvons les réduire à trois grandes questions essentielles : “Que font nos enfants à l’école ?”, “Que font nos enfants à la maison ?”, et “Comment leurs activités dans ces deux environnements participent à leur apprentissage ?”.
Le but n’étant pas d’opposer des méthodes, mais de faire en sorte de favoriser l’apprentissage de nos enfants en enrichissant leur environnement dès la naissance, en encourageant leur éveil tout en gardant en tête leur épanouissement.
Quels que soient nos choix concernant leur établissement scolaire et le type d’enseignement qui y est prodigué, à la maison nous portons la responsabilité de provoquer leur attention, susciter leur engagement, encourager leurs erreurs, faciliter la répétition, protéger leur sommeil et leur offrir toute notre bienveillance.
Nous avons à notre disposition de nombreux outils dont nous pouvons nous inspirer. Ceux que nous choisirons dépendent de notre contexte : la personnalité unique de notre enfant, ses centres d’intérêt, la culture de notre famille, notre organisation, nos activités, notre espace commun, et le sien.
Chaque pédagogie a des aspects qui correspondent mieux à nos enfants, à notre contexte sociétal, à nos valeurs, à la façon dont on souhaite qu’ils se construisent en tant qu’individus, en tant qu’adultes, et en tant que citoyens.