Pourquoi faire autrement ?

L’avènement des pédagogies actives

L’éducation est au cœur de nos vies. C’est un des socles de nos sociétés. Elle garantit la pérennité de nos valeurs, de nos cultures, de nos civilisations.

En tant que parents, l’éducation de nos enfants est au cœur de nos préoccupations. Parce que nous voulons le meilleur pour eux et faisons tout ce que nous pouvons pour qu’ils grandissent et deviennent des adultes indépendants, responsables, heureux et épanouis.

Depuis des millénaires, de nombreux pédagogues, de Socrate à l’Éducation Nouvelle, se sont penchés sur la question de savoir comment rendre l’éducation meilleure.

Ces derniers siècles, les Lumières, les guerres et les changements sociétaux qui s’en sont suivis ont inspiré la création de nouvelles approches, dont certaines ont connu un grand succès, comme les jardins d’enfants de Friedrich Fröbel, ou plus récemment les écoles Montessori.

Ces efforts pour développer de nouveaux espaces d’éducation et appliquer ces méthodes ont connu un nouvel essor ces deux dernières décennies. En parallèle, les découvertes des neurosciences ont apporté un éclairage scientifique nouveau sur le fonctionnement du cerveau, son développement, et sur les analyses et réponses proposées par les pédagogies actives.

Chacune d’entre elles est unique et chacun des grands pédagogues derrière ces courants avait de profondes convictions, basées à la fois sur ses propres expériences et observations à des époques et dans des contextes différents.

Cependant, qu’il s’agisse de Montessori, Mason, Steiner, Malaguzzi, Freinet, Decroly, Cousinet ou Neill, entre tant d’autres, tous avaient en commun certains principes fondamentaux qui constituent les bases de ces pédagogies.

 

L’apprentissage passe par l’autonomie

Le premier principe est celui qui leur confère cette dimension active. L’apprentissage est mené par l’enfant, la découverte guidée par ses intérêts, à son rythme. L’enfant doit prendre du plaisir à apprendre. Si bien que le jeu y est central, l’apprentissage se fait par le jeu. Decroly a d’ailleurs introduit le concept de “jeu éducatif”, la pédagogie Steiner-Waldorf fait la part belle au “jeu libre”.

L’environnement proposé à l’enfant pour son apprentissage sera différent de l’une à l’autre. Quand les éléments de “l’environnement préparé” dans la pédagogie Montessori sont profondément réfléchis, au même titre que l’est l’architecture des écoles Reggio, chez Mason “l'atmosphère", le milieu dans lequel évolue l’enfant ne doit pas s’adapter à lui, afin qu’il apprenne de vraies choses.

Là où l’extérieur est ouvert sur le monde qui entoure l’enfant en y donnant une place importante à la société dans laquelle il évolue, comme chez Freinet, voire que la société est intégrée à l’école avec des parents et des membres de la communauté qui viennent partager leurs connaissances et savoir-faires comme chez Reggio, la découverte de l’extérieur se fera d’abord à travers celle de la nature chez Steiner.

Mais cette exploration du milieu dans lequel les enfants évoluent se fera, dans chacune d’entre elles, de façon autonome. Ils ont la liberté d’apprendre en faisant des erreurs, en faisant leurs propres expériences, dès le plus jeune âge. Emmi Pikler préconisait de laisser les jeunes enfants découvrir les activités par eux-mêmes et de bouger librement, sans intervention des adultes.

Maria Montessori mettait à disposition des enfants du matériel qu’ils pouvaient utiliser selon leurs envies, et aller et venir librement de l’une à l’autre. Dans toutes ces pédagogies, il est essentiel que les enfants fassent eux-mêmes.

 

Faire et créer, ensemble

La notion de coopération y est aussi prégnante. Le rôle du pédagogue prendra diverses formes. Il pourra être une ressource voire même un participant aux activités, dans la pédagogie Reggio-Emilia par exemple, alors qu’il aura plutôt le rôle de guide chez Montessori.

En revanche, les enfants pourront être à la fois ou à tour de rôle acteurs ou ressources. Peu importe qu’ils soient seuls à la tâche ou affairés sur un projet de groupe, ils vont s’entraider, planifier, observer et faire ensemble.

Cela pourra consister à mener des recherches à plusieurs chez Freinet, à proposer son aide à un autre enfant sur une activité chez Montessori. Chez Neill, les enfants s’auto-gèrent complètement, de façon démocratique. Dans la méthode Cousinet, les enfants constituent des groupes pour se consacrer ensemble aux “activités de connaissance” et aux “activités de création”.

L’idée avec les pédagogies actives n’est pas seulement que les enfants acquièrent des compétences, mais aussi voire surtout qu’ils apprennent à être.
L’art et l’artisanat tiennent également une place prépondérante dans les pédagogies actives. Elles constituent une multitude de formes d’expression qui sont autant de façons d’apprendre autrement. Elles sont même un pilier de certaines de ces pédagogies.

Chez Steiner, l’art et l’artisanat sont présents à travers de multiples activités comme la peinture, la broderie ou la poterie, mais aussi la danse et le chant, comme chez Fröbel. Les activités artistiques et les formes d’expressions qui leur correspondent sont si nombreuses à découvrir que Loris Malaguzzi parle des “100 langages de l’enfant”, élément fondamental de la pédagogie Reggio-Emilia.

 

L’avènement des neurosciences

De nombreuses autres personnes dans d’autres domaines ont étudié la question du développement de l’enfant, du constructivisme de Jean Piaget aux recherches les plus récentes en neurosciences.

Dans ces dernières, les avancées des dernières décennies ont démontré de multiples façons que les grands principes que ces pédagogues ont établis à travers leurs travaux favorisent le développement de nos enfants.

Le cerveau des enfants se construit par le biais de la plasticité cérébrale, c’est-à-dire le renforcement, l’arborisation et l’élagage des milliards de connexions neuronales dont ils disposent dès la naissance.

Le cerveau humain est hautement plastique jusqu’à l’âge de 25 ans environ et se produit, quoi qu’il advienne, sans circonstances ou efforts particuliers. Néanmoins, la maturation des différentes parties du cerveau ne se produit pas au même moment ni au même rythme, et certains contextes vont optimiser la construction des circuits neuronaux, ou au contraire l’altérer.

Les différentes parties du cerveau ont différents rôles mais sont interconnectées par le biais de ces circuits. Ces circuits sont innombrables et se construisent à travers le renforcement des connexions entre les neurones. Ce processus s’appelle la myélinisation.

Pour détailler un peu plus cette notion essentielle dans la plasticité cérébrale, considérons chaque expérience que vit l’enfant comme un circuit neuronal. Lorsque l’enfant expérimente, ce circuit se renforce.

Ce que les neurosciences valident

En tenant compte de ces concepts, et si l’on regarde les principes des pédagogies actives évoqués plus haut :

  • En suivant les intérêts et les rythmes de l’enfant, et en leur permettant d’apprendre par le jeu, on va leur donner à la fois la possibilité de se concentrer sur ce qui les intéresse au moment où cela les intéresse et d’y consacrer autant de temps qu’ils le souhaitent.

Lorsque l’enfant a un réel intérêt pour le sujet étudié, il va s’y atteler jusqu’à le maîtriser. Chaque fois qu’il va se rapprocher un peu plus de cet objectif de maîtriser son sujet, il va libérer de la dopamine, qui va contribuer à renforcer les circuits neuronaux, mais aussi ressentir du plaisir, ce qui lui donnera envie de continuer d’y consacrer ses efforts et son temps.

En y consacrant du temps, il va pouvoir répéter ses expériences autant que nécessaire pour maîtriser ce qu’il est en train d’apprendre. Cette répétition va renforcer ses connexions neuronales.

  • En leur offrant de l’autonomie et la liberté de découvrir par eux-mêmes, ils vont expérimenter, essayer des choses, les réussir parfois, et commettre des erreurs souvent.
Les erreurs génèrent de la frustration chez l’enfant. Cette frustration se traduit par la libération d’épinéphrine qui va indiquer au cerveau qu’il faut ajuster ses circuits neuronaux.


Ces deux processus d’apprentissage sont complémentaires et accélèrent la plasticité, permettant ainsi d’apprendre plus vite.

  • En leur donnant un cadre dans lequel ils coopèrent, prennent des décisions, ont une voix, les enfants se socialisent, s’aculturent, et apprennent les règles de la vie en société.

Ils apprennent aussi à faire preuve d’empathie, pour les autres comme pour eux-mêmes. Lorsque leur environnement fait preuve d’empathie, de bienveillance envers eux, cela favorise le renforcement des circuits neuronaux entre leur cortex préfrontal et leur amygdale, et ils apprennent ainsi à réguler leurs émotions.

  • L’art permet de développer des compétences créatives, de générer des images personnelles que les enfants observent.

Il permet une meilleure compréhension du monde visuel et contribue au développement de l'ensemble du cerveau pour améliorer l'apprentissage.

L’art et l’artisanat jouent un rôle dans le contrôle du stress et la relaxation, et la manipulation de matériaux peut contribuer à aider les enfants à réguler leurs états psychiques et leurs émotions.

 

Les enseignements à en tirer pour nous, parents

En étant acteurs de leur apprentissage, les enfants ne sont pas contraints, ne subissent pas leur éducation. Mais il est essentiel que l’autonomie soit aussi associée à des concepts comme la communication non-violente et l’empathie, car une éducation parfois négative, voire violente, les met dans des états de stress qui conduisent leur système nerveux à libérer du cortisol, néfaste pour la construction de leurs circuits neuronaux, et par là-même pour le développement de leur cerveau.

En tant que parents, l’éducation de nos enfants représente un tout. Leur bien-être, leur équilibre, leur réussite sont essentiels à nos yeux et passent par un environnement qui favorise leur développement dans ce sens.

Faire eux-mêmes, penser par eux-mêmes, développer leur esprit critique par l’éducation et non pas par l’instruction, ce que nous apprennent les pédagogies actives et les neurosciences de ce point de vue, c’est que c’est en leur donnant de l’espace et de l’autonomie qu’ils deviendront des individus indépendants et épanouis.